La singularité du régime de responsabilité des ostéopathes et chiropracteurs
Les ostéopathes et les chiropracteurs ne sont pas soumis au code de la santé publique. Leur régime de responsabilité relève du droit commun, ce qui a une incidence sur l'indemnisation des clients qui présentent un dommage corporel à la suite de manipulations.
Le cadre général de la responsabilité médicale
Dans le domaine de la responsabilité médicale, la Loi KOUCHNER du 4 mars 2002 et la Loi ABOUT du 30 décembre 2002 sont applicables. Elles sont codifiées dans le code de la santé publique, notamment à l’article L.1142-1.
Ces dispositions prévoient un régime de responsabilité pour faute, applicable aux professions médicales et aux auxiliaires médicaux. Elles prévoient aussi, au-delà du principe de la responsabilité pour faute, un droit à indemnisation par la solidarité nationale en cas de survenue d’un aléa thérapeutique et une responsabilité de plein droit des établissements de santé en cas d’infection nosocomiale.
Ainsi, dans certaines hypothèses, si les critères d’anormalité et de gravité du dommage sont remplis, les victimes d’accidents médicaux non-fautifs peuvent être indemnisées par un fonds d’indemnisation, l’ONIAM.
Ces dispositions ne sont toutefois applicables qu’aux actes soumis au code de la santé publique, donc réalisés par les professionnels médicaux ou auxiliaires médicaux.
La spécificité de la responsabilité des ostéopathes et chiropracteurs
Les ostéopathes et chiropracteurs ne sont pas cités par le code de la santé publique comme professionnels médicaux ni auxiliaires médicaux. Le code de la santé publique n’est donc pas applicable aux actes qu’ils pratiquent. Ainsi, pour rechercher la responsabilité d’un ostéopathe ou d’un chiropracteur, il convient de se référer au droit commun de la responsabilité.
C’est l’article 1231-1 du code civil (ancien article 1147 du code civil) qui régit les principes de la responsabilité contractuelle de l’ostéopathe ou du chiropracteur envers son client. Il s’agit d’un régime de responsabilité pour faute. Il importe donc de vérifier que le professionnel a respecté les préconisations professionnelles lors des manipulations.
A défaut, la victime, même si elle subit un dommage en lien avec l’acte, ne sera pas indemnisée de son préjudice, ni par le professionnel ou son assureur, ni par l’ONIAM.
L’arrêt du 25 mai 2023 comme point d’ancrage de la responsabilité des ostéopathes et chiropracteurs
L’arrêt rendu le 25 mai 2023 par la première chambre civile de la Cour de cassation au visa de l’ancien article 1147 du code civil est l’occasion d’aborder le régime de responsabilité des ostéopathes et chiropracteurs (Cass. Civ. 1ère 25 mai 2023 n°22-16352).
Dans ce cas d’espèce, la Cour de cassation censure l’arrêt rendu par la Cour d’appel qui avait déclaré le chiropracteur responsable des lombalgies subies par la demanderesse alors-même que l’Expert Judiciaire avait indiqué que sa pratique avait été conforme aux recommandations de la Société française de médecine manuelle orthopédique et ostéopathique.
La haute juridiction décide que la preuve d’un manquement du chiropracteur à ses obligations contractuelles et d’une faute personnelle à l’origine du préjudice allégué n’était pas rapportée.
C’est donc à tort que la Cour d’appel avait condamné le chiropracteur sans caractériser de faute. Le seul fait que les lombalgies soient imputables aux manipulations n’était pas suffisant pour engager la responsabilité du chiropracteur.
Ainsi, dans cette affaire, la victime ne sera pas indemnisée de son préjudice. Or, l’activité d’ostéopathie ou de chiropracteur n’étant pas assujettie au code de la santé publique, une victime d’un tel préjudice en lien avec des manipulations ne serait pas indemnisée.
Ainsi, les victimes d’un grave préjudice en lien avec un acte d’ostéopathie ou de chiropractie ne seront pas indemnisées de leur préjudice si l’Expert ne retient pas de manquement, alors qu’elles le seraient dans le cadre des dispositions relatives à l’indemnisation d’un aléa thérapeutique si l’acte avait été réalisé par un kinésithérapeute ou un médecin.
En conclusion :
Alors que le droit de la santé publique offre une certaine protection aux victimes d'accidents médicaux, les clients des ostéopathes et chiropracteurs sont soumis à un régime de responsabilité fondé sur la faute, sans possibilité d’indemnisation par la solidarité nationale, même en cas de dommages corporels graves.
Une évolution législative serait bienvenue pour permettre l’égalité de traitement des victimes.