L’indemnisation des séquelles : le déficit fonctionnel permanent

Suite à un accident ayant causé un dommage corporel, il importe d’indemniser la victime des séquelles qu’elle conserve après consolidation, c’est-à-dire une fois que son état de santé n’est plus évolutif. Ces séquelles sont indemnisées au titre du poste de préjudice « déficit fonctionnel permanent ».

La définition du déficit fonctionnel permanent

D’après la nomenclature DINTILHAC (habituellement prise comme base pour l’évaluation du dommage corporel par les juridictions) il s’agit, à travers ce poste de préjudice, « de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime ».

Le déficit fonctionnel permanent indemnise « non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, mais aussi la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après sa consolidation ».

 

La Cour de cassation retient que ce poste de préjudice inclut « les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence personnelles, familiales et sociales »  (Cass. Civ. 2ème 28 mai 2009 n°08-16829)

Elle tient aussi compte des souffrances endurées après consolidation dans la définition du déficit fonctionnel permanent (Cass. Ass. 20 janvier 2023 n°21-23947 ;  Cass. Civ. 2ème 23 mars 2017 n°16-13350)

L’évaluation du déficit fonctionnel permanent en expertise

La difficulté de l’évaluation du déficit fonctionnel permanent tient à sa transversalité.

Trop souvent, ce poste de préjudice est évalué par le médecin expert sur la seule base du barème du concours médical, l’ensemble des composantes du déficit fonctionnel permanent n’étant alors pas pris en compte.

Le barème du concours médical : évaluation des atteintes fonctionnelles 

Le barème du concours médical est le barème indicatif d’évaluation des taux d’incapacité en droit commun.

Il décrit les limitations fonctionnelles et les traduit en un taux d’incapacité.

Par exemple, il est noté qu’une paralysie complète du plexus brachial sur un membre dominant permet de retenir une incapacité de 60%.

Une amputation haute de cuisse non appareillable est évaluée à 55% d’incapacité selon le barème.

La dernière version a été éditée en 2001, soit antérieurement à la publication de la nomenclature DINTIHLAC.

La préface du barème précise que celui-ci a vocation à évaluer la seule incapacité fonctionnelle de la victime, de « quantifier l’atteinte aux différentes fonctions de l’organisme ». Il est aussi précisé que cette « incapacité permanente a un caractère objectif en ce que le taux d’incapacité est l’expression chiffrée d’un déficit fonctionnel censé être le même pour toutes les victimes souffrant de lésions identiques ».

Les rédacteurs du barème ont considéré qu’au stade de l’expertise, l’évaluation médico-légale devrait s’abstraire des répercussions psycho-sociales. Ils considéraient que seule l’évaluation indemnitaire tiendrait compte des éléments subjectifs des séquelles, telles qu’elles sont vécues par la victime.

Cette vision a vécu et ne correspond pas à la définition jurisprudentielle du déficit fonctionnel permanent.

En expertise, qu’elle soit judiciaire ou amiable, il est très fréquent, pour ne pas dire systématique, que les médecins fondent le taux de déficit fonctionnel permanent sur la seule base du taux d’incapacité déterminé par le barème du concours médical.

Il n’est donc finalement tenu compte que d’une composante du déficit fonctionnel permanent.

Il convient de tenir compte de cette réalité et de la combattre.

 

Douleurs et troubles dans les conditions d’existence : composantes du déficit fonctionnel permanent

Il est essentiel qu’il soit tenu compte de l’ensemble des composantes du déficit fonctionnel permanent pour procéder à l’évaluation du taux de déficit fonctionnel permanent.

Cela nécessite un travail de fond, en amont de l’expertise, en coordination entre le médecin-conseil de la victime et son avocat.

La victime décrira les douleurs et produira les justificatifs éventuels de traitements, elle décrira aussi les souffrances psychiques et justifiera, le cas échéant, du suivi psychologique que cela implique depuis la consolidation.

Elle décrira aussi, le plus précisément possible, les implications sur ses activités quotidiennes : isolement social, gênes dans les activités du quotidien etc.

L'objectif et de permettre une évaluation du déficit fonctionnel permanent qui ne soit pas stéréotypée mais qui soit individualisée.

Si lors de l’expertise judiciaire, l’Expert refuse de tenir compte de la composante douloureuse et des troubles dans les conditions d’existence et de la perte de la qualité de vie, il importe de le lui faire préciser dans son rapport.

Ainsi, devant le Juge, la victime pourra se prévaloir de l’ensemble des composantes du déficit fonctionnel permanent retenues par la jurisprudence de la Cour de cassation.

 

L’indemnisation du déficit fonctionnel permanent

Concernant la détermination de l’indemnisation due au titre du déficit fonctionnel permanent, la méthode traditionnellement appliquée montre ses limites. Il est possible d’y palier.

La méthode traditionnelle de capitalisation du point

De manière habituelle, le déficit fonctionnel permanent est indemnisé en tenant d’une valeur du point, déterminée en fonction de l’âge de la victime et de son taux de déficit fonctionnel permanent. Cette valeur du point est multipliée par le taux de déficit fonctionnel permanent retenu.

Ainsi, par exemple, pour une victime âgée de 25 ans à la date de consolidation, qui subit un déficit fonctionnel permanent de 35%, le point est évalué à 2 850 €. Le déficit fonctionnel permanent pourrait ainsi être évalué à 99 750 € (2 850 € x 35).

Cette méthode montre cependant ses limites.

Elle conduit à moins bien indemniser les victimes subissant le dommage jeune, au regard des années de vie qui leur restent à vivre, alors qu’elles subiront jour après jour ce préjudice. Les femmes sont d’autant moins bien indemnisées qu’elles ont une espérance de vie plus longue

La pertinence d’une indemnisation journalière capitalisée

Pour palier les limites de l’indemnisation « au point » du déficit fonctionnel permanent, il est de plus en plus fréquemment proposé aux Juges de déterminer, en tenant en compte de l’ensemble des composantes de ce poste de préjudice, une indemnité journalière puis de capitaliser cette indemnité sur la base d’un barème de capitalisation viagère.

Cela permet une indemnisation davantage personnalisée de la victime, écartant autant que possible la standardisation au profit d’une indemnisation subjective, personnalisée.

Certaines juridictions ont retenu cette méthode.

A titre d’exemple, le Tribunal Judiciaire de BOBIGNY a retenu (TJ Bobigny 12 juillet 2022 RG 20/07437):

« Le calcul viager de l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent permet de réparer ce préjudice dans son intégralité, conformément au principe de réparation intégrale, en tenant compte de toutes ses composantes, c’est-à-dire de l’incapacité physique et psychique mais aussi des souffrances ressenties après la consolidation ainsi que des troubles pérennes dans les conditions d’existence de la victime.

L’indemnisation du déficit fonctionnel permanent doit tenir compte de chaque victime dans leur individualité et doit prendre en compte les conséquences psycho-sociales de l’atteinte fonctionnelle »

Ainsi, la victime s’est vue allouer une indemnité de 9 275 € au titre de ce poste de préjudice alors que l’assureur offrait, sur la base de la méthode traditionnelle, une indemnité de 3 200 €.

Conclusion

Le déficit fonctionnel permanent est un poste de préjudice important qui peut souvent être sous évalué, tant en expertise qu’en indemnisation.

L’évaluation et l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent nécessitent, pour être justes, un travail préparatoire et des connaissances médico-légales importantes. Il est donc essentiel de vous rapprocher d’un Avocat spécialiste en droit du dommage corporel si vous subissez des séquelles dans les suites d’un accident.

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