L’indemnisation de la maladresse fautive du chirurgien

La simple maladresse d'un chirurgien peut causer des dommages importants aux patients. La gravité de la faute est souvent sans lien avec l’importance du préjudice. Cet article explore le cadre législatif régissant cette responsabilité médicale et examine comment la jurisprudence traite de la maladresse chirurgicale.

Le cadre législatif général : la responsabilité pour faute du chirurgien

Les chirurgiens engagent envers leurs patients leur responsabilité en cas de faute, tant sur le fondement de la Loi Kouchner du 4 mars 2002 applicable aux faits postérieurs au 5 septembre 2001, que sur le fondement de l’ancien article 1147 du code civil, applicable aux soins prodigués antérieurement.

Cette faute peut être de plusieurs ordres : défaut d’indication à l’intervention, défaut d’information du patient sur les risques de l’intervention, retard au diagnostic et à la prise en charge d’une complication et faute technique lors de l’intervention. Cette faute technique peut être une simple maladresse.  

La maladresse induit-elle la faute au sens civil du terme, de nature à engager la responsabilité du professionnel de santé ?

La présomption de faute du chirurgien maladroit engageant sa responsabilité

Lors d’une opération chirurgicale, il peut arriver que, par maladresse, le chirurgien lèse un organe par erreur. Or, en Droit, la charge de la preuve de la faute repose sur le demandeur, en l’espèce, le patient victime.

La jurisprudence s’est posée la question de savoir si le seul fait qu’il y ait une atteinte à un organe non concerné par l’intervention suffisait à démontrer la faute. En somme, peut-on déduire du dommage le fait générateur ? La jurisprudence a été fluctuante sur cette question mais apparaît désormais fixée.

En l’état de la jurisprudence actuelle, dès lors que la lésion n’était pas inévitable en raison de l’absence d’anomalie constatée chez le patient quant à la position du nerf ou de l’organe lésé et dès lors que l’intervention n’impliquait pas cette atteinte, la faute dans l’exécution de l’acte chirurgical est caractérisée.

L’arrêt de principe rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 23 mai 2000 (n°98-19869) porte sur une intervention de ligamentoplastie du ligament croisé antéro-externe du genou droit lors de laquelle le chirurgien a sectionné l’artère poplitée moyenne.

La Cour d’appel avait rejeté les demandes indemnitaires de la victime en retenant que le chirurgien avait mis en œuvre tous les moyens nécessaires et que la complication dont la patiente avait été victime était exceptionnelle et résultait d’un acte chirurgical non fautif.

La Cour de cassation a censuré la décision d’appel en relevant que la réalisation de la ligamentoplastie n’impliquait pas le sectionnement de l’artère poplitée. Ainsi, la Cour d’appel ne pouvait exclure la faute du chirurgien sans constater que cette artère présentait chez la patiente une anomalie rendant son atteinte inévitable. De ce fait, dans une telle hypothèse, la faute est présumée.

Dès lors que l’atteinte de l’organe est démontrée, la charge de la preuve est renversée et il appartient au chirurgien de démontrer soit que le patient était atteint d’une anomalie indécelable rendant l’atteinte inévitable, soit que l’atteinte était un risque inhérent à l’intervention, qui ne pouvait pas être maîtrisé.

Dans cette dernière hypothèse, se posera la question de l’indication d’une telle intervention et du respect par le praticien de son obligation d’information quant au risque qui s’est réalisé et qui était prévisible.

La mise en application par la Cour d’Appel de Rennes

La Cour d’appel de Rennes a fait application de cette jurisprudence dans un arrêt rendu le 14 décembre 2022 suite aux arguments factuels et juridiques développés par Maître Sophie KERZERHO.

Elle a reconnu le droit de la victime à être intégralement indemnisée des conséquences de la lésion du nerf saphène dans les suites d’une intervention de levée de lambeau en vue d’une reconstruction de la vulve irradiée.

La Cour a pris soin de détailler son analyse, pour retenir la responsabilité de l’établissement de santé répondant des fautes commises par le chirurgien.

Le rapport d’expertise permettait de retenir que l’intervention pratiquée n’impliquait pas la lésion du nerf et qu’aucune anomalie anatomique rendant inévitable l’atteinte n’était démontrée.

Cette jurisprudence est applicable quelque soit le type d’intervention chirurgicale pratiquée : intervention de pose de prothèse de hanche, de genou, mais aussi acte d’anesthésie loco-régionale ayant causé une lésion nerveuse. Elle apparaît tout à fait cohérente tant il est légitime d’attendre d’un chirurgien ou d’un anesthésiste la meilleure adresse.

En conclusion

La jurisprudence actuelle tend à présumer la faute du chirurgien en cas de lésion d'un organe non concerné par l'intervention, inversant ainsi la charge de la preuve. Ce principe renforce la protection des patients tout en soulignant l'importance pour les chirurgiens de pratiquer avec la plus grande prudence.

La mission de votre avocat spécialisé en droit du dommage corporel sera d'interroger l’Expert sur les conditions de l’intervention et les causes de la lésion. Le rôle du médecin-conseil de la victime sera aussi essentiel pour étayer avec de la littérature scientique l'analyse médico-légale.

Tous les services de votre avocate spécialiste en droit du dommage corporel à Paris.

Votre Avocat est à vos côtés pour la défense de vos intérêts, quelque soit le dommage corporel que vous subissez.