L’expertise en responsabilité médicale

Lorsqu’un patient ou un proche d’un patient estime que la prise en charge médicale est à l’origine d’un dommage corporel, il peut souhaiter engager une procédure aux fins de voir reconnaître les responsabilités et obtenir l’indemnisation de ses préjudices.

Le préalable nécessaire à toute reconnaissance d’un droit à indemnisation est l’expertise médico-légale.

Celle-ci peut se tenir dans différents cadres juridiques. Ses enjeux sont importants et elle doit être finement préparée.

Le cadre juridique de ces expertises

Rarement les dossiers de responsabilité médicale se règlent amiablement dès le stade de l’expertise. La victime doit donc solliciter la désignation d’un expert ou d’un collège d’Experts, indépendant et impartial.

Elle peut soit saisir le Tribunal d’une telle désignation, soit saisir les Commissions de Conciliation et d'Indemnisation des Accidents Médicaux, instituées par la Loi KOUCHNER du 4 mars 2002.

L’Expertise Judiciaire : Tribunal Judiciaire ou Tribunal Administratif

Le patient qui s’estime victime d’un accident médical peut d’abord faire le choix de demander au Juge des référés de désigner un Expert ou un Collège d’Experts, qui soit indépendant et impartial.

Il existe une concurrence de juridictions. Si les actes de prévention, de diagnostic ou de soins à l’origine du dommage ont été pratiqués dans un cadre privé (clinique, cabinet médical), alors c’est le Tribunal Judiciaire qui est compétent.

Si en revanche les faits se sont déroulés dans un hôpital public dans le cadre de l’activité hospitalière, c’est le Tribunal administratif qui est compétent pour désigner l’Expert ou le Collège d’Experts.

Il peut arriver que le patient ait été pris en charge successivement en libéral et en hôpital public. Dans ce cas, le Tribunal des Conflits a jugé que chacune des juridictions est compétente pour ordonner une expertise au contradictoire de l’ensemble des parties (Tribunal des Conflits 7 juillet 2014 n°C3951).

L’Expertise Judiciaire impose le respect des règles procédurales prévues par le code civil, notamment le principe du contradictoire.

Chaque partie communique l’ensemble de ses pièces, en amont de l’expertise, à l’ensemble des parties et à l’Expert Judiciaire.

C’est la garantie d’un débat apaisé et contradictoire.

Aussi, les missions d’expertises confiées par les Tribunaux judiciaires prévoient systématiquement l’envoi d’un pré-rapport aux parties, sur la base desquelles les parties peuvent formuler leurs observations et poser leurs questions aux Experts sur leur analyse, sous forme de dires. Cela permet souvent de lever certaines ambiguïtés dans le rapport, de faire préciser à l’Expert son analyse et de corriger d’éventuelles coquilles.

Il est regrettable que, trop souvent, le Juge administratif n’impose pas à l’Expert cette étape, de telle sorte qu’elle est laissée à la discrétion de l’Expert.

Enfin, l’un des points qui peut peser dans la balance est le coût d’une telle expertise.

C’est à la victime, qui ne peut pas encore justifier d’un droit à indemnisation, de faire l’avance des honoraires de l’Expert ou du Collège d’Experts, lesquels s’élèvent à plusieurs milliers d’euros. C’est souvent un frein pour les victimes pour lancer une procédure judiciaire.

Certaines bénéficient d’une assurance de protection juridique qui prend en charge tout ou partie de ces frais, d’autres relèvent de l’aide juridictionnelle, mais la plupart des victimes assument ces avances de frais.

C’est ce que pallie en partie la procédure CCI.

L’Expertise devant la Commission de Conciliation et d'Indemnisation des Accidents Médicaux (CCI)

La Loi KOUCHNER du 4 mars 2002 a institué la procédure devant les Commissions de Conciliation et d'Indemnisation des Accidents Médicaux (L.1142-5 et suivants du code de la santé publique).

Le patient qui s’estime victime d’un accident médical peut saisir la CCI territorialement compétente afin qu’elle rende un avis sur les responsabilités engagées, le droit à indemnisation et les préjudices indemnisables.

Le ou les débiteurs de l’obligation indemnitaire sont invités à formuler des offres indemnitaires. En cas d’échec de la procédure amiable, le Tribunal (administratif ou judiciaire) peut être saisi sur la base du rapport d’expertise de la CCI.

Avant de rendre un avis, la CCI désigne un Collège d’Experts afin qu’il dépose un rapport répondant aux questions de la mission proposée.

L’avantage de cette procédure tient d’abord à sa gratuité.

La victime n’a pas à faire l’avance des honoraires de l’Expert, qui est tout aussi compétent et impartial que s’il avait été désigné par le Tribunal (ce sont d’ailleurs souvent les mêmes Experts).

La difficulté de la procédure CCI tient au fait que la commission n’est compétente que dans les affaires dans lesquelles le préjudice atteint un certain degré de gravité, prévu à l’article L.1142-1 du code de la santé publique, à savoir :

-   Le taux de déficit fonctionnel permanent est supérieur à 24%

- La victime a été dans l’incapacité d’exercer son activité professionnelle pendant au mois 6 mois

-  Le déficit fonctionnel temporaire a été supérieur ou égal à 50% sur une période de six mois consécutifs ou de six mois non consécutifs sur une période de douze mois

-  La victime est déclarée définitivement inapte à exercer l’activité professionnelle qu’elle exerçait avant la survenue de l’aléa thérapeutique 

- La victime démontre que les conséquences de l’accident médical lui occasionnent des troubles particulièrement graves, y compris d’ordre économique, dans ses conditions d’existence.

Ces critères excluent un certain nombre de victimes du bénéfice de la procédure.

L’un des autres points défavorables tient au fait qu’il n’est pas prévu de dépôt de pré-rapport d’expertise.

Les enjeux de l’expertise en responsabilité médicale

L’objectif premier de l’expertise en responsabilité médicale est de vérifier la bonne prise en charge du patient et la survenue d’un accident médical indemnisable.

Si un débiteur d’une obligation indemnitaire est identifié, il importe d’évaluer le préjudice en lien.

Déterminer d’éventuelles sources de responsabilité

Lorsqu’un patient ou un proche d’un patient sollicite l’organisation d’une expertise judicaire ou CCI, c’est qu’il s’interroge sur les conditions de sa prise en charge.

L’Expert ou le Collège d’Experts devra s’interroger sur les points suivants :

-        L’acte de prévention, de diagnostic ou de soin était il indiqué ?

-        Le patient a-t-il été informé des risques et des éventuelles alternatives thérapeutiques ?

-        L’acte de prévention, de diagnostic ou de soin a-t-il été réalisé conformément aux règles de l’Art et aux données acquises de la science ?

- Le praticien a t-il commis une maladresse ?

-        Si des manquements ont été commis, quelles en ont été les conséquences sur la prise en charge du patient et l’évolution de son état de santé ?

-        Le patient a-t-il contracté une infection liée aux soins, appelée infection nosocomiale ?

Toutes ces questions conditionnent le succès d’une action indemnitaire en responsabilité future. Il est essentiel que l’Expert ou le Collège d’Experts apporte des réponses pour permettre au demandeur de formuler ses demandes, aux défendeurs de faire valoir leurs arguments et au Juge de trancher le litige.

Déterminer si les conditions d’indemnisation au titre de l’aléa thérapeutique sont réunies

Si l’analyse du dossier par l’Expert ou le Collège d’Experts ne permet pas de retenir de manquement ou d’infection liée aux soins, l’Expert doit répondre aux questions permettant de déterminer si le patient subit les conséquences d’un accident médical non fautif répondant aux critères de gravité et d’anormalité prévus par code de la santé publique.

Vont alors se poser les questions de l’évolution prévisible de l’état de santé du patient en l’absence d’acte, du taux de risque de survenue du dommage, et de la gravité des préjudices subis.

Les réponses à ces questions permettront, le cas échéant, à la victime de solliciter l’indemnisation de ses préjudices par l’ONIAM.

 

Evaluer les préjudices en lien avec les manquements, l’infection nosocomiale ou l’aléa thérapeutiques retenus

Après avoir répondu à ces questions, l’Expert ou le Collège d’Experts procèdera à l’évaluation des préjudices en lien avec l’accident médical survenu.

Il est essentiel à ce stade de distinguer ce qui est strictement imputable à l’accident médical fautif ou non fautif de ce qui est en lien avec l’état antérieur et qui n’avait pas vocation à être amélioré par l’acte.

L’objectif sera de permettre à la victime de formuler des demandes indemnitaires sur la base du préjudice imputable à l'accident médical.

Peut ici se poser la question de la perte de chance, notamment dans le cas d'un retard de diagnostic et donc de retard à la prise en charge. Ce retard a pu faire perdre au patient une chance d'éviter le dommage que l'Expert doit analyser et, dans la mesure du possible, estimer.

Les évaluations sont faites sur la base de la nomenclature DINTILHAC appliquée par les juridictions pour indemniser les victimes de dommages corporels.

Conclusion

L’expertise en responsabilité médicale est un moment clé de la procédure indemnitaire.

Elle permet à la victime d’une erreur médicale, d’une infection nosocomiale ou d’un aléa thérapeutique d’obtenir les réponses aux questions qu’elle se pose sur sa prise en charge ou celle de son proche.

Elle est essentielle pour déterminer si un droit à indemnisation existe, soit à l’encontre du professionnel de santé, soit à l’encontre de l’ONIAM, permettant à la victime d’obtenir la réparation de son entier préjudice.

Elle impose une préparation approfondie, en étroite concertation avec le médecin-conseil de la victime et l’Avocat, spécialiste en droit du dommage corporel.

Soyez toujours assisté lors d’une expertise médicale, vos contradicteurs le seront.

Tous les services de votre avocate spécialiste en droit du dommage corporel à Paris.

Votre Avocat est à vos côtés pour la défense de vos intérêts, quelque soit le dommage corporel que vous subissez.